L’artichaut, premiers pas

Je suis une fleur comestible irésistible.
On aime surtout mon arrière train,
que l’on consomme avec entrain.

Cynara scolymus de la famille des Composées.

Je suis… l’artichaut !

La légende raconte que Jupiter tomba amoureux fou de la superbe Cynara, qui le repoussa vigoureusement. Pour la châtier, il la transforma en artichaut. L’amour, l’amer et le piquant… son destin était né.

Né il y a des milliers d’années au cœur du bassin méditerranéen, l’origine exacte de l’artichaut reste trouble. Selon certains, il serait né en Éthiopie. Pour d’autres, plus nombreux, il serait originaire de Sicile. Et on sait aussi que l’Égypte antique le cultivait déjà…

En tous cas, il a définitivement l’esprit du sud. Sa tendresse et sa fermeté, son amertume et son sucré… Ce cousin du chardon a ensuite été importé par les Grecs et les Romains. Très prisé à Rome, réputé aphrodisiaque, il aidait aussi à la digestion.

Dès qu’il fut repéré comme plante comestible, les jardiniers s’employèrent à le cultiver. L’artichaut est ainsi né d’une variété de cardon considérablement améliorée. Merci aux jardiniers. Merci de leur patience. Et en particulier aux Italiens qui, à la Renaissance, ont développé et amélioré sa culture. Et merci aussi à Catherine de Médicis et à sa gourmandise. Grâce à elle, il fut rendu populaire. Elle raffolait des coeurs d’artichauts, et dès l’âge de 14 ans, faisait la nique aux médecins de la cour qui interdisaient de consommer cet aphrodisiaque qui pouvait tuer l’esprit. Victime potentielle des coeurs d’artichauts, il n’était alors pas convenable pour une jeune fille d’en consommer…

Fille de la Méditerranée, on la cultive en France dans toute la Bretagne, en Gironde, en Provence, et dans le Roussillon, mais aussi en Californie.

Elle a de grandes feuilles semblables à celles du chardon, de couleur gris vert, dentelées, velues et blanchâtres sur leur face intérieure. Mais ce que l’on consomme, c’est en fait le capitule terminal de la plante : la tête d’artichaut, récoltée avant l’apparition des fleurs. La récolte est manuelle et s’échelonne avec la maturation. S’il n’est pas récolté à temps, l’artichaut produit une fleur bleue superbe. Dans les jardins, la première année, la récolte se fait de fin août jusqu’en septembre. Les années suivantes, elle se fait de mai à juillet puis en septembre-octobre.

Les variétés nous font voyager… le camus de bretagne, le crysanthème, le petit violet de provence (que l’on surnomme aussi “bouquet” ou “poivrade” et qui est arrivé d’Italie dans les malles de Catherine de Médicis), l’épineux, le gros vert de Laon” ou “tête de chat”, le blanc hyérois, le perpétuel…

L’artichaut fait partie des légumes frais énergétiques. Riche en vitamines, en fibres et en oligo-éléments comme le potassium, le magnésium et le phosphore, il offre quelques spécificités…

• Il contient une grande quantité d’inuline que l’on trouve dans certains légumes de la famille des composées, comme les topinambours, les cardons et les salsifis
• Il est reconstituant car il contient du lévulose qui se transforme dans l’organisme en sucre particulièrement digeste
• Le principe amer contenu dans les feuilles de la plante, la cynaropicrine, le rend diurétique

Il est aussi Céphalique, Cholestérique, Diurétique et Hépatique. Bref, c’est un trésor de bienfaits, surtout pour le foie. A ce propos, n’hésitez pas à réaliser des décoctions et infusions de feuilles d’artichaut ! Mais attention, il faut utiliser les feuilles de la plante elle-même (et pas celles du capitule), car elles contiennent davantage de cynarine, qui stimule les sécrétions biliaires.

Mais ce n’est pas simplement parce qu’il a la propriété de soigner le foie du cuisinier que ce dernier l’adore. Selon la manière dont on l’accommode, l’artichaut peut, tour à tour, exprimer une dominante acidulée, amère ou sucrée. On pense avec émotion aux artichauts en barigoule, à la grecque ou braisés en papillote…

Pour le découvrir, faites une chose simple… Achetez de beaux petits artichauts violets. Choisissez les bien. Ils doivent être compacts, charnus, lourds dans la main, avec une tige bien ferme et les extrémités souples. Les feuilles doivent casser net et laisser perler un peu de sève. Elles ne doivent être ni tâchées, ni meurtries, mais bien serrées et d’un beau vert. Méfiez vous des artichauts trop mûrs, chargés en foin, ou tachées de noir. Cela signifie qu’il ont perdu leur fraîcheur.

Coupez les tiges à environ 8 cm. Enlevez les premières feuilles. Lavez les à l’eau froide, directement sous la pompe. Egouttez les sérieusement

Et présentez ces jolies fleurs en début de repas, dans un beau saladier. Chacun son petit bol pour concocter sa sauce. Une goutte de vinaigre balsamique, du sel, du poivre et une excellente huile d’olive vierge extra. Plutôt un fruité vert et pourquoi pas une monovariétale picholine. Et du citron.

Et puis viendra le rituel de la préparation de l’artichaut, que l’on mange avec les doigts. Il faudra le tourner, Enlever chaque feuille et tremper la partie charnue dans la sauce que l’on extirpe avec les dents. Quand vous vous rapprocherez du coeur, vous cesserez de prélever des feuilles. A l’aide d’une fine lame, vous éplucherez la queue en remontant vers le cœur. Vous couperez le bout des bractées. S’il y en a, vous retirez le foin en glissant la pointe du couteau vers le centre et en décrivant un cercle pour pouvoir l’enlever en une seule fois. Il restera a couper le coeur en fines lamelles, les mélanger à la sauce, et fermer les yeux…

Vive les artichauts !