Lorsque nous serons riches…

Un poème de l’ami Jacques Payen, qui vit maintenant dans les montagnes, daté de janvier 2013, appartenant à un recueil de poésies (« Fil du calame, encre qui court »).

 

Lorsque nous serons riches,

Amour, avant de passer à table, nous lirons des brins de poèmes ou bien quelques chapitres de “La légende des repas ” de Georges Haldas.

 

Lorsque nous serons riches,

tu rempliras tous les potagers de la vallée de délicieuses trompettes de Nice, les courgettes à chair onctueuse auxquelles se mêlent si bien le basilic, la menthe et le citron confit.

 

Lorsque nous serons riches,

tu secoueras chaque jour le napperon du petit-déjeuner dans le jardin, comme ce matin, “pour donner aux fourmis”.

 

Lorsque nous serons riches,

nous irons rouvrir des librairies à Chicago, à Atlanta, à Ostende, puisque les dernières y ont été fermées, à ce que l’on raconte.

 

Lorsque nous serons riches,

tu sèmeras dans les rues d’Ispahan des graines de roses trémières, surtout celles incarnat, et aussi les rouge sombre, presque noires, comme celles du chemin des Traverses qui font la conversation au croisement.

 

Lorsque nous serons riches,

si nous allons à la Fenice, ce sera d’abord pour les voir et les entendre, Elles, nos Bellissimes, nos Sublissimes, et devant toutes, Lucia de Lammermoor.

 

Lorsque nous serons riches,

nous inventerons une radio de la Nuit, avec des voix incandescentes, venant des lointains très proches, et nous écouterons “For intérieur”.

 

Lorsque nous serons riches,

Amour, tu fabriqueras un Arbre d’Hiver avec des bouts de cretonne et de cotonnades antillaises et tu le placeras à contre-jour, dans la lumière de la neige, pour que les oiseaux le voient et s’en approchent.

Et ils frapperont à la vitre.