Le fou du président, ou Sarkozy et le vin et le fromage puant

Après Chirac, Sarkozy. A nouveau, Franz-Olivier Giesbert exécute sans coup férir ce président auquel il croyait. Une vérité corrosive qui met en scène la déception de l’auteur et toute son ambiguïté… extraits.


sarkozy,vin,fromage“La première fois que Cécilia revint au bercail, j’avais invité le couple Sarkozy à la maison pour fêter l’événement. C’était le 24 janvier 2006. Même si j’étais triste pour la journaliste, une femme dont tout le monde aurait rêvé, j’étais heureux de leurs retrouvailles.

Ma femme et moi avions mis les petits plats dans les grands. Je m’étais ruiné en vin. Du Château Latour 1989. J’avais acheté aussi une grosse truffe avec des sentiments mêlés. J’ai toujours souffert de gastrolâtrerie, l’autre mot pour la gloutonnerie, et je m’étais laissé aller, une fois de plus, à mon péché mignon qui, en l’espèce, avait été très onéreux.

Toute la maison fleurait la truffe et sa bonne odeur de pourriture chatouillait  nos poumons, elle nous grisait, elle nous emportait. Tous sauf Nicolas Sarkozy qui, lui, gardait son calme, les pieds sur terre. Il ne daigna pas goûter mon vin, n’apprécia pas particulièrement mes pâtes aux truffes ou plutôt ma truffe aux pâtes : après en avoir pris une petite proportion, il  refusa d’être servi une seconde fois. Quant à ses compliments, ils furent de politesse après ceux enthousiastes de Cécilia.

Dieu merci, connaissant les goûts du personnage, j’avais évité de servir des fromages et notamment ces banons coulants, ces maroilles puants ou, pire encore, ces tomes pourries qui me rendent fou. Je crois bien que Nicolas Sarkozy aurait vomi à leur vue. Il y avait au moins un risque et je ne pouvais pas le prendre : ç’aurait pu être préjudiciable à ma carrière, même si elle touchait à sa fin.

“comment peux-tu vivre sans vin ? lui demandai-je ? – c’est simple, je n’aime pas le vin –

Mais c’est impossible de ne pas aimer le vin. Il y en a tant et tant. Des gentils, des forts, des doux, des acides, des puissants. Quand tu en auras goûté plein, tu finiras forcément par en trouver un qui te plaira – je préfère le coca light –”

J’étais troublé. Je me demandais comment un homme qui n’aime pas le vin et à qui on ne peut servir de fromages purulents pourrait devenir président de la République. Il lui manquerait quelque chose pour être en harmonie avec le pays.

Certes le goût se perd et s’affadit sous la dictature des grandes surfaces et de la déculturation en marche, Mais bon, il y en a encore, en France, des poches de résistance. Comment Sarkozy pourrait-il être en phase avec ce pays s’il ne vivait que de coca light, de yaourts maigres et de fromages blanc à 0%, de compotes sans sucre ajoutés et de chocolats en carré ou en tablettes ?

Jusqu’à présent, la France n’avait connu que des présidents qui, s’ils n’étaient pas tous des bâfreurs, aimaient la bonne chère. J’entends encore les bruits de déglutition ou les soupirs de contentement de Mitterrand ou de Chirac quand ils emplissaient la panse de leurs plats canailles préférés. Même s’il est moins expansif, Giscard aussi savait se goberger. Quand Sarkozy sera président me disais-je avec nostalgie à la fin de ce dîner, on n’aura plus droit, sous les lambris de la République, qu’au tintement de la cuillère contre l’emballage plastique des pots de yaourt. »