Maurice Brun fut le restaurateur le plus étonnant du Vieux-Port (de Marseille)

Cet article a été retouvé sur une coupure de journal, vraisemblablement marseillais, certainement en 1955.

brun,marseille,cuisine,cuisinier,provence,provencal,vieux-port« Dans cette Pentecôte, grise et mouillée, le restaurateur Maurice Brun a été conduit, hier matin, à sa dernière demeure. Au 18, quai de Rive-Neuve, la famille douloureuse, quelques amis, des gens de l’hôtellerie  (dont M. Aimé Gardanne), des félibres bien sûr et Cuchet, le peintre des vieux quartiers, M. le curé de Saint-Victor, ont rendu leur dernière visite à Mestre Brun.

Le restaurateur le plus pittoresque du Vieux-Port avait trouvé la mort dans un accident de voiture, en Espagne, revenant des corridas de Séville. Chose curieuse, le mort l’a emporté  huit ans, après qu’il eut rouvert son établissement. En effet, “Les Mets de Provence” avaient repris leur service, face au ferry-boat et à la mairie, le vendredi 16 mai 1947. Il avait fait imprimer un menu type (durée deux heures, commentait-il) à cette occasion. Ce menu ne changea jamais durant huit ans. C’était le menu de la “maintenance” du manger de Provence.

Pour les hors-d’œuvre il servait exclusivement l’huile d’olive gelée des Baux, la tapenado, les Melets au poivre de Martigues, les olives des Baux, le saucisson d’Arles, les tartines de poutargue de Martigues, les pôuprihouns aux pommes d’amour, la timbale de bœuf en daube et le quichét aux anchois. Pour poisson, suivant la pêche, les daurades ou loups ou soles ou rougets uniquement grillés, sans sel et sans condiment, mais avec leurs entrailles. Pour légumes, les artichauts barigoulo. Pour rôt, selon la saison, les perdreaux, pintadeaux ou poulets de grain à la broche. De la salade, et du fromage qui était de Banon ou toumo de Manosque. Et pour dessert enfin, le sorbet de fruits frais glacé, les calissons de Gréoux, le nougat noir et blanc d’Allauch, les amandes et les fruits. Enfin en vins, il servait exclusivement la Clairette de Die, le Cassis, le Châteauneuf-du-Pape et le vin cuit de Palette.

Car Maurice Brun était exclusif dans ses préférences. Chez lui on mangeait et on buvait uniquement ce qu’il avait décidé de vous servir ce jour-là. Chez lui le “Benedicite” était en vers provençaux de J.C. Felibre doù Fougau. Et au dessert il se mettait à l’harmonium et lançait la “Coupo Santo”, avec son habituelle lavallière à pois.

D’ailleurs, son menu-type imprimé, était en fait la partition, paroles et musiques de la “Coupo santo”, avec au dos les mets imprimés. Incontestablement la table de M. Brun était de toutes celles du Vieux-Port  celle qui étonnait le plus l’étranger ou le Parisien. Mais à côté de cet étonnement qu’il entretenait, il y avait chez lui une joie délicate de la table, qui faisait de chaque repas une douceur de vivre. Sans phrases et sans discours, Maurice Brun est parti vers la tombe. Il méritait qu’on rappelle simplement que chez lui on “goûtait la Provence”. »

 

Groumandugi

Maurice Brun est l’auteur de ce livre merveilleux. Edition originale. Tirage limité à 1026 exemplaires tous numérotés. Sur papier d’Auvergne à la main, pur chiffon séché à l’air sur cordes des Moulins du Val de Laga. L’auteur, Maurice BRUN restaurateur Marseillais réputé, nous sert là ses recettes et réflexions de gastronomie Provençale avec une couleur toute méridionale. Son ami Louis Jou, graveur typographe des Baux-de-Provence, a exécuté une mise en pages superbe et gravé sur bois de magnifiques bandeaux, lettrines et culs-de-lampes. La préface a été rédigée par Charles MAURRAS pendant sa détention à la prison de Clairvaux à Lyon en Mars 1944.