« Tandis que le fanatisme exerçait ses ravages (le massacre des Vaudois) on aurait dit que le ciel irrité se plaisait à les punir. Il tomba pendant huit jours de suite au mois de novembre 1544 une si grande quantité de pluie que l’on crut voir renouveler le déluge. Toutes les rivières sortirent de leur lit avec une furie extraordinaire. La Durance couvrir de ses eaux les plaines du voisinage. Le Rhône se débordant du côté d’Avignon abattit environ deux cents toises du rempart, se répandit dans la ville, submergea la plus grande partie des maisons et surtout des églises, où l’eau soulevant par son poids les portes de bois qui fermaient les caveaux faisait surnager les cadavres et les entraînaient jusque dans les rues où ils flottaient pêle-mêle avec des meubles, des enfants au berceau, des vieillards, des malades et d’autres malheureux que l’inondation avait surpris. Ces spectacles effrayants et le danger de voir les maisons s’écrouler, glaçaient d’effroi la partie des habitants qui était montée sur les toits. Ceux qui s’étaient retirés quartiers des Doms, qui est le plus élevé de la ville, ne voyaient qu’avec une grande consternation toute la campagne submergée, les eaux faire d’heure en heure de nouveaux progrès, et les menacer d’aller les surprendre dans leur dernier asile où le peu de provisions qu’ils avaient emporté était gâté par l’humidité. Les mêmes ravages se renouvelaient dans tous les lieux de la Provence voisins des rivières et des torrents, les endroits même qui en étaient éloignés furent inondés et éprouvèrent des dégâts dont on se ressentit durant un grand nombre d’années. »
Source
Abbé Papon, L’Histoire Générale de Provence, 1777