Category Archives: La mémoire

“Pourquoi la corrida ? j’ai à faire avec la vie, l’amour, la mort ”

par Francis Marmande

Le Monde, 21 septembre 2012

 

« C’est un dimanche d’été. Nous sommes en 1954. Avec mes parents, nous allons de Bayonne à Saint Sébastien, en Espagne. Une trentaine de kilomètres. Nous assistons à la corrida. Deux phénomènes ce soir-là : un torero téméraire semait l’effroi. Il s’appelait Chicuelo II. Je suis sidéré. C’est peu de dire que je n’en reviens pas. Et puis la pluie. Au quatrième toro, cas rarissime, le déluge interrompt le spectacle. Ce n’est pas un spectacle, c’est une cérémonie, une façon d’être ensemble encore plus agonique, encore plus effusive, d’être ensemble.

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Adopter une attitude humble…

havel.jpg“Il me semble que la chose la plus importante aujourd’hui – et mes expériences des dernières décennies ne cessent de m’en convaincre – serait d’adopter une attitude humble à l’égard du monde, de respecter ce qui nous dépasse, de tenir compte du fait qu’il existe des mystères que nous ne comprendrons jamais et de savoir qu’il faut assumer notre responsabilité sans la fonder sur la conviction que nous savons tout, en particulier comment tout va finir. Nous ne savons rien. Mais l’espoir, nul ne peut nous l’ôter. du reste une vie qui ne réserverait aucune surprise serait bien ennuyeuse.” Vaclav Havel (un grand merci à l’ami Jacques Payen, qui vient de quitter la Provence pour l’Embrunais et qui ouvrira bientôt avec Françoise le Miro Bleu !)

Vélasquez et l’ordre de Santiago

Mai 2009. Nous sommes avec Antoine au Musée du Prado à Madrid. En arrêt devant Las Meninas. Et je suis fasciné par le symbole que porte le peintre…

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Extrait de description de Las Meninas
“Vélasquez se peint lui-même à la gauche de la scène, regardant vers l’extérieur au delà d’un large canevas soutenu par un chevalet. Sur sa poitrine se trouve la croix rouge de l’ordre de Santiago, ordre qu’il ne recevra pas avant 1659, trois ans après que la toile fut complétée. Selon Palomino (1724), Philippe IV a ordonné que cette croix soit ajoutée sur la toile à la mort de Vélasquez et certains disent que le roi l’a peinte lui-même”.

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En 1658, le roi décide à faire entrer Velasquez dans un ordre. De trois ordres militaires, le peintre choisit l’ « Orden militar de la Caballeria de Santiago ». Conformément aux règles de cet ordre, une vaste enquête est ouverte pour prouver que les ascendants de Velazquez étaient des chrétiens dépourvus de sang juif ou maure. En outre, tous les membres de sa famille doivent être des hidalgos, donc ne pas travailler pour de l’argent : c’est-à-dire que tous les métiers du commerce et de l’artisanat – dont la peinture – sont exclus ! La lutte de Velazquez pour son statut social exclusif est donc très difficile. Cent quarante-huit personnes seront appelées à témoigner, nombre d’entre elles pleines de bonnes intentions à son égard, mais le fait est que sans le soutien massif du roi et l’appui du pape, Velazquez ne serait jamais devenu chevalier de l’Ordre de Santiago. Toutes ces considérations pourraient sembler dérisoires aux yeux de ceux qui contemplent ses tableaux aujourd’hui, si on n’en retrouvait pas la trace – comme on le pense souvent – dans l’oeuvre majeure de Velazquez, son chef-d’oeuvre incontestable, celui que le peintre napolitain Luca Giordano (1634-1705) a nommé la « Théologie de la peinture » : le tableau monumental « Les Ménines ou La Famille de Philippe IV » réalisé en 1656/57.

 

Histoire

À l’origine, cet ordre se composait de Galiciens qui, vers 1160, se préoccupaient de l’hébergement des pèlerins sur la route menant à Compostelle. Les uns étaient des chanoines du monastère de Santa Maria de Loyo, en Galice, près de Portomarín, les autres formaient une confrérie d’une douzaine de laïcs.

Le 1er août 1170, Ferdinand II de León et de Galice (1137-roi 1157-1188), confie la protection de Cáceres, en Estremadura, tout juste reprise aux musulmans, à Pedro Fernàndez, (premier maître de l’ordre – 1170-1184), et à ses douze frères d’arme qui l’ont aidé à prendre la ville.

Désireux de fonder un ordre de chevalerie sur le modèle de ceux créés en Terre Sainte, Pedro Fernàndez conclut en mai 1170, en présence du roi et des archevêques de Tolède et de Saint-Jacques-de-Compostelle, un accord avec le prieur du monastère de Santa Maria de Loyo.

Soumise à l’autorité spirituelle des augustiniens de Loyo, la congrégation prend le nom « des Frères de Cáceres », et assure la protection des hospices tenus par les chanoines sur la route du pèlerinage, comme ceux de Portomarìn ou de San Marcos de León (Espagne).

Au début de 1171, devant les menaces de l’armée musulmane, Ferdinand Il convoque à León le maître de la nouvelle milice pour préparer le regroupement de ses forces.

À cette occasion, le 12 février 1171, l’archevêque de Compostelle, Pedro Gudesteiz, remet solennellement à Pedro Fernàndez la bannière d’étoffe rouge figurant en son centre le Fils du tonnerre, brandissant l’épée d’une main, tenant de l’autre la croix et les rênes de sa monture blanche. C’est désormais sous le nom de saint Jacques, patron et défenseur de l’Espagne chrétienne, que serviront les Frères de Caceres, devenus Caballeros de la Espada, « Chevaliers de l’Épée » en souvenir de l’épée brandie par l’apôtre et constituant la « Milice du Christ et de saint Jacques » face aux soldats de Mahomet. Il se place ainsi sous le patronage de saint Jacques le matamore.

L’archevêque devint frère honoraire de l’Ordre, éleva son Maître la dignité de chanoine honoraire de Saint-Jacques, et consacra les frères « vassaux et chevaliers de Saint Jacques l’Apôtre pour combattre sous sa bannière pour l’honneur de l’Église et la propagation de la Foi ». Il leur promit son appui : il les aiderait de ses conseils et leur fournirait armes, troupes et subsides. Pour leur part, les frères s’engageaient à défendre Albuquerque, possession de l’archevêché compostellan en Estrémadure.

Pedro Fernández donne rapidemant à l’ordre une envergure internationale en acquérant des biens au Portugal, en Castille, en Aragon, en France, en Italie et en Terre Sainte. L’Ordre calque son organisation sur son implantation : sous l’autorité d’un maître, des grands commandeurs dirigent les cinq régions ou, royaumes de l’ordre : Léon, Castille, Aragon, Gascogne et Portugal (en 1290). Le « royaume » du Portugal se rend autonome en 1316.

Après avoir perdu leur siège de Caceres, reprise par les musulmans en 1173, et s’être brouillé avec Ferdinand II de León, les chevaliers décident de gagner la Castille, où Alphonse VIII le Noble (1155-roi 1158-1214), entouré du maître de l’ordre de Calatrava et du grand prieur de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, les accueille avec tous les honneurs. En janvier 1174, le monarque castillan leur remet la ville et la forteresse d’Uclés, jusqu’alors tenues par les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem.

L’année suivante, Pedro Fernàndez se rend à Rome auprès du pape Alexandre III, (1105-pape 1159-1181), qui ratifie, le 5 juillet 1175, la bulle d’approbation de l’ordre religieux et militaire de Santiago. En 1176, quelques chevaliers revinrent dans le royaume de León et s’établirent dans le couvent San Marcos, sur un terrain situé près du pont sur la Bernesga, où existaient, depuis 1151, une église et un hôpital pour pèlerins. Ils fondèrent également l’hôpital de las Tiendas, à la frontière de Castille. Le nombre de chevaliers était alors 400 et ils pouvaient rassembler plus de 1000 lances.

Les rois de Castille après la Bataille de Las Navas de Tolosa (1212), à laquelle les chevaliers ont participé, leur ont accordé des privilèges qui ont permis à l’ordre de repeupler des régions étendues d’Andalousie et de Murcie. Le château de Segura de la Sierra, reconquis par Alphonse VIII en 1214, leur est confié : ils y installent leur commanderie pour le royaume de Jaén. C’est de cette forteresse qu’ils mèneront leurs opérations militaires dans la région.

Au XVIe siècle, l’Ordre possédait une centaine de commanderies, dont trois étaient réservés aux Grands Commandants, autant de châteaux, une trentaine de couvents, 26 hôpitaux, 240 églises, 5 hôpitaux, 178 villes et villages, et 1 université à Salamanque.

Le 2 janvier 1492, jour de la reddition de l’émir Boabdil, la bannière de l’ordre flottera sur la plus haute tour de l’Alhambra à Grenade.

L’organisation de l’ordre

En 1174 le roi Alphonse VIII de Castille leur cède Ucles, dans la Province de Cuenca, et depuis a été considéré comme le siège de l’ordre ; là le Grand Maître a habituellement résidé, et les archives de l’ordre ont
été préservées jusqu’en 1869. Elles se trouvent actuellement à l' »Archivo Historico Nacional » de Madrid.

Une branche de l’ordre de Santiago groupe les clercs, sous la direction d’un Grand Prieur, suivant la règle des chanoines de Saint-Augustin, et établis à Uclès. Les clercs y vivent de la dîme de tous les acquêts de l’ordre. Ils se chargent de la vie religieuse des chevaliers qui, tous, une fois l’an, doivent faire retraite à Uclès et y font élever leurs fils.

Ces chevaliers de Santiago, demeurés laïques, forment la seconde branche de l’ordre, sous la direction du Maître, laïque comme eux et élu par eux en chapitre général à San Marcos de Leòn. Les chevaliers prêtent vœu de pauvreté individuelle, d’obéissance au maître, et de fidélité conjugale. En cas de veuvage, d’isolement ou de pauvreté, les chevaliers et leurs femmes se retirent à Uclès.

En ayant opté pour la règle de saint Augustin au lieu de la règle cistercienne, ses membres n’avaient pas l’obligation de faire vœu de chasteté, et ont pu contracter mariage (certains des fondateurs étaient mariés). Le droit de se marier, que d’autres ordres militaires n’ont obtenus à la fin du moyen âge, leur a été accordée des le début de l’ordre dans certaines conditions, telles que l’autorisation du roi, de l’engagement d’observer la continence pendant les fêtes de Noël, et le Carême, et sur certaines fêtes religieuses de l’année, ainsi que pendant la période de retraite faite à Uclés une fois par an. La douceur de cette règle a promu la diffusion rapide de l’ordre, qui a éclipsé les ordres plus anciens comme ceux de Calatrava et d’Alcantara.

Les chevaliers transmettent leurs biens patrimoniaux à leurs fils, qui peuvent rester en dehors de l’ordre, mais ils donnent à l’ordre les terres gagnées dans la Reconquête.

Les commanderies, confiées à des chevaliers Commandeurs, sont édifiées sur ces nouveaux territoires chrétiens, et les dîmes de tous les revenus vont aux clercs d’Uclès.

Par-delà le Maître, le seul souverain de l’ordre est le pape, et l’ordre est propriétaire des terres conquises en Estrémadure et en Andalousie. Mais l’Ordre prête son concours au roi dans toutes les opérations militaires.

Ainsi, le troisième Maître, Sancho Fernandez, meurt en 1195 de blessures reçues lors de la bataille d’Alarcos et le maître Pelayo Perez Correa (1242-1275) est le principal artisan de la prise de Séville en 1248.

L’ordre protège les routes et les hospices du pèlerinage à Santiago, où les femmes des chevaliers trouvent à s’employer. Les Espagnols de toutes les couches sociales s’y affilient en confréries, aidant l’ordre de leurs deniers et de leurs soins. Enfin, des commanderies s’élèvent dans les terres offertes en Aragon, Catalogne, Valence et au Portugal.

Les Frères portaient l’habit blanc, chape et chaperon de même couleur marqué, sur le côté gauche de la poitrine, de la célèbre épée de satin rouge et d’une coquille, dans le même tissu, posée en abîme sur l’épée. Avec un bouclier d’or portant en croix une épée à poignée de lis.

La Dissolution de l’ordre

L’ordre fut dissous par les souverains d’Espagne, sans le même acharnement cependant que celui qu’eurent à subir les Templiers en 1307. Les monarques agirent avec un grand sens politique. À la mort de Don Alonso de Cardenas, quarantième grand maître de l’ordre, Isabelle Ier la Catholique (1451-1474-1504) faisant en sorte que son époux fût élu grand maître de l’ordre en 1493. Ce qui facilita sa fin programmée.

La nomination du Grand Maître était ainsi passée sous la tutelle royale. Dans le but de dissiper la méfiance des chevaliers lors du chapitre général de 1513, Ferdinand II le Catholique, roi d’Aragon (1452-roi 1479-1516), devenu régent de Castille (de 1504 à 1516), décida la reconstruction du monastère-hôpital de San Marcos de Leòn, et offrit la somme de 300 000 maravédis.

En 1501, le pape Alexandre VI (Rodrigue Borgia, né à Xativa, prés de Valence – 1431-pape 1492- 1503) nomme Ferdinand II administrateur perpétuel des ordres militaires, qui seront désormais des ordres de soins, de polices et de récompenses de bons services.

En 1523, le pape Adrien VI (1522-1523) confirme le rattachement à la Couronne des ordres castillans.

En 1556, sous Charles Ier d’Espagne (1500-1516-1556) un conseil général des ordres les fait fusionner.

Enfin en 1592, le roi Philippe II (1527- règne 1556-1598) incorpore tous les ordres à la couronne.

Depuis cette époque, les rois d’Espagne ont conservé les titres et dignité de grand maître et administrateur de l’ordre qui est ainsi placé sous la protection de la couronne.

À l’époque moderne l’ordre fut transformé en un moyen de récompenser les fidèles du souverain. Ainsi Diego Vélasquez était chevalier de Santiago. Au XIXe siècle, les biens de l’ordre furent réunis à la couronne et l’ordre transformé en simple ordre honorifique. Il est encore aujourd’hui décerné par le roi d’Espagne.

La branche portugaise de l’ordre fut sécularisée en 1789 par la reine Maria. Il est aujourd’hui conservé par la république comme ordre de mérite dans les domaines des sciences, de la littérature et des arts.

Les Maîtres de l’Ordre de Santiago

1. Pedro Fernández de Fuente Encalato (1170-1184)
2. Fernando Díaz (1184-1186)
3. Sancho Fernández (1186-1193)
4. Gonzalo Rodríguez (1193-1204)
5. Suero Rodríguez (1204-1206)
6. Fernando González de Marañon (1206-1210)
7. Pedro Arias (1210-1212)
8. García González de Candamio (1214-1217) (première)
9. Martín Peláez Barragán (1218-1221)
10. García González de Candamio (1222-1224) (seconde)
11. Fernán Pérez Chacín (1224-1226)
12. Pedro González (1227-1237)
13. Rodrigo Yánez (1239-1242)
14. Pelayo Pérez Correa (1243-1275)
15. Gonzalo Ruiz Girón (1275-1279)
16. Pedro Núñez (1279-1286)
17. Gonzalo Martel (1286)
18. Pedro Fernández Mata (1286-1293)
19. Juan Osórez (1293-1310)
20. Diego Muñiz (1310-1318)
21. García Fernández (1318-1327)
22. Vasco Rodríguez (1327-1338)
23. Vasco López (1338)
24. Alonso Meléndez de Guzmán (1338-1342)
25. Fadrique de Castille (1342-1358)
26. García Álvarez de Toledo (1359-1366)
27. Gonzalo Mejía (1366-1371)
28. Fernando Osórez (1371-1383)
29. Pedro Fernández Cabeza de Vaca (1383-1384)
30. Rodrigo González Mejía (1384)
31. Pedro Muñiz de Godoy (1384-1385)
32. García Fernández de Villagarcía (1385-1387)
33. Lorenzo Suárez de Figueroa (1387-1409)
34. Enrique de Castilla (1409-1445)
35. Álvaro de Luna (1445-1453)
36. Juan II (1453 administrateur)
37. Alfonso de Castilla (1453-1462) (première)
38. Beltrán de la Cueva (1462-1463)
39. Alfonso de Castilla (1463-1467) (seconde)
40. Juan Pacheco (1467-1474)
41. Alonso de Cárdenas (1474-1476 en León) (première)
42. Rodrigo Manrique (1474-1476 en Castille)
43. Ferdinand le Catholique (1476-1477 administrateur)

2009, une année qui devra être combative

L’année va être dure. On le sent, on le voit, on l’entend… Il faudra être fort pour soi-même, les siens et les autres bien sûr car les souffrances vont se multiplier. A l’heure du succès annoncé de Benicio Del Toro, au plus fort de l’hiver, quelques mois avant le réveil printanier que sonne la féria de Pâques d’Arles, notre capitale, rien de tel qu’un toro d’Alfons Alt pour se donner de la force et du courage, en le caressant des yeux…

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Les bains de Caldane, au sud de la Corse

Voilà un lieu magique ou j’adore aller avec mon ami de Propriano, Romuald Royer. C’est à Chialza que vous trouverez les bains de Caldane. Cette source naturelle d’eau légèrement sulfureuse coule à travers un bassin long et étroit (8 m sur 2 m) à raison de 5.000 m3 par heure, ce débit garantissant sa propreté. Réputée pour ses vertus thérapeutiques, on lui prête depuis toujours des pouvoirs curatifs, notamment en ORL (mais d’expérience, et mon ami Romuald ne me contredira pas, cette eau a un effet certain sur le système digestif !). La température constante et naturelle de 38°C lui a donné son nom. Vous pouvez vous asseoir paisiblement dans le bassin, vous installer solidement sur des blocs de pierre mais il ne faut pas y rester trop longtemps (20 minutes maxi). Les anciens racontent que si on y reste trop, la source vous reprend ce qu’elle vous à donné.

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La France vue de Chine, avril 2008

Incroyable cette image de notre drapeau avec ces insultes suprêmes. Jeanne d’Arc et Napoléon doivent bouger dans leur tombe. Quant aux corses, quel hommage ! Image trouvée dans la presse, fin avril 2008, alors que le déplacement de la flamme olympique ne s’est pas déroulé sans heurts sur le sol national…

 

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Novembre 1544, le déluge en Provence

« Tandis que le fanatisme exerçait ses ravages (le massacre des Vaudois) on aurait dit que le ciel irrité se plaisait à les punir. Il tomba pendant huit jours de suite au mois de novembre 1544 une si grande quantité de pluie que l’on crut voir renouveler le déluge. Toutes les rivières sortirent de leur lit avec une furie extraordinaire. La Durance couvrir de ses eaux les plaines du voisinage. Le Rhône se débordant du côté d’Avignon abattit environ deux cents toises du rempart, se répandit dans la ville, submergea la plus grande partie des maisons et surtout des églises, où l’eau soulevant par son poids les portes de bois qui fermaient les caveaux faisait surnager les cadavres et les entraînaient jusque dans les rues où ils flottaient pêle-mêle avec des meubles, des enfants au berceau, des vieillards, des malades et d’autres malheureux que l’inondation avait surpris. Ces spectacles effrayants et le danger de voir les maisons s’écrouler, glaçaient d’effroi la partie des habitants qui était montée sur les toits. Ceux qui s’étaient retirés quartiers des Doms, qui est le plus élevé de la ville, ne voyaient qu’avec une grande consternation toute la campagne submergée, les eaux faire d’heure en heure de nouveaux progrès, et les menacer d’aller les surprendre dans leur dernier asile où le peu de provisions qu’ils avaient emporté était gâté par l’humidité. Les mêmes ravages se renouvelaient dans tous les lieux de la Provence voisins des rivières et des torrents, les endroits même qui en étaient éloignés furent inondés et éprouvèrent des dégâts dont on se ressentit durant un grand nombre d’années. »

 

Source

Abbé Papon, L’Histoire Générale de Provence, 1777